Samedi 30 septembre Visite de la mine de Saint Véran et étude de son environnement géologique. | ||
---|---|---|
Précédent | Deuxième session des journées des Sciences de la Terre: géodynamique et ressources minérales. | Suivant |
M jean-Marc Lardeau, docteur en géologie des zones profondes, est professeur de géologie à l'université de Nice. Il nous présente dans un premier temps les grands structures observables sur les cartes géologiques et dans les paysages puis nous interpelle sur les contextes possibles de mise en place du Cuivre de la mine de Saint Véran.
Les Alpes sont les montagnes les plus étudiées et elles le sont depuis longtemps. La première carte des Alpes a été établie en 1886. En 1896, une première reconnaissance des ophiolites est réalisée par 3 scientifiques Italiens. Dès 1909, Émile Argand établi les grandes limites du système alpin. Les limites sont définies: à l'ouest le grand chevauchement pennique frontal CFP et un décrochement dextre à l'Est. Les deux structures se réunissent en un prisme orogénique. Le chevauchement est un sous charriage jusqu'à 52 km de profondeur. Ces auteurs italiens et français avaient, avant Wegener, émis l'hypothèse d'une mobilité horizontale de la croûte continentale.
Sur la carte des Alpes au millionième, on retrouve les caractéristiques d’une chaine de montagne continentale à savoir un double déversement et une certaine symétrie: un bassin flexural dans la croûte continentale déformée de la plaque Adriatique qui forme la plaine du Pô à l’Est et à l'Ouest un autre bassin flexural dans le Dauphinois. Entre les deux est présent l’éventail Briançonnais. On trouve également une croûte continentale dans le Cervin équivalente à celle de la zone Cézia. Dans le Piémontais, on rencontre des roches vertes et des chalcshistes organisés de part et d'autre d'un dôme de croûte continentale. On trouve des sédiments Briançonnais différents des sédiments Dauphinois datés de 130 millions d'années. Il y avait donc deux marges continentales(l’Europe et l’Apulie) de même structure et de même âge dont on ne connaît pas vraiment la dimension et au milieu un domaine océanique. Entre ces deux marges, on trouve des sédiments marins et du volcanisme sous marin est identifié: cela est donc un domaine océanique ouvert.
La dimension de l'océan ne peut en aucun cas être estimée avec des arguments géologiques. En revanche, le paléomagnétisme combiné à la stratigraphie est un bon outil. Cependant, on a un mauvais signal du paléomagnétisme dans les Alpes, d'où la difficulté d'une mesure précise de la dimension de cet océan. On estime cependant que la dimension serait de 900 km. De plus, il y a des marqueurs qui sont datés: les sédiments du système de divergence qui commence il y a 130 millions d'années pour se terminer à 100 millions d’années; les marqueurs de la collision sont sédimentaires (radiolarites et calcaires) et structuraux (bassins flexuraux). Il y a aussi des marqueurs tectoniques: les plis, les chevauchements, les décrochements. Le CFP est daté de 30 millions d'années ce qui correspond donc au début de la collision. La subduction a lieu entre les deux périodes soit pendant 70 millions d'années. La carte métamorphique orogénique Alpine homologuée par la communauté scientifique ne fait pas mention des gabbros du Chenaillet. Ceux-ci ne peuvent pas avoir été subduits, ils appartiennent en fait à la plaque Africaine.
M Campagne, IA/IPR de Lille a enregistré une partie des explications de M lardeau, vous pouvez les écouter ici :
( Pour la version pdf vous pouvez retrouver le son en suivant ce lien)
Premier arrêt: Les Métapélites .
Les schistes lustrés n'existent pas dans le vocabulaire lithologique mondial, c'est un vocabulaire "Franco-Français". Il s'agit de métasédiments, les métapélites donc de roches métamorphiques. On trouve des micas blancs (muscovite de type phengite) dans le plan de shistosité (on pourrait alors presque les appeler micaschiste) en association avec des marbres très caractéristiques des sédiments océaniques (les métaradiolarites). On peut également trouver des baguettes bleues, la glaucophane dans ces métapélites. Dans le marbre, on trouve le minéral rectangulaire silicate calcique la lawsonite. L'association glaucophane et lawsonite permet de dire que cette roche appartient au faciès des schistes bleus basse température. On peut la dater grâce à la présence de potassium contenu dans le micas blanc à 55 millions années. Cette roche était donc en profondeur à l’Éocène.
Deuxième arrêt: Le métagabbro à glaucophane
Cette roche grenue est constituée de deux minéraux essentiels plagioclases et clinopyroxènes, ces derniers étant entourés de minéraux de couleur bleue, la glaucophane. Ce métagabbro à glaucophane est l'une des roches appelées ophiolites ou roches vertes. Il contient également des minéraux de couleur verte de deux générations: la jadéite contemporaine de la glaucophane preuve d'un métamorphisme dans le faciès schiste bleu mais également un autre minéral la chlorite preuve d'un rétrométamorphisme (la glaucophane se transforme en actinote et chlorite). On ne peut cependant pas distinguer à l'oeil nu ces deux minéraux, seule l'observation au microscope révèle leur présence. Une reconstitution de l’histoire de cette roche est possible par datation relative des minéraux.
( Pour la version pdf vous pouvez retrouver le son en suivant ce lien)
Nous sommes ici dans la zone Piémontaise qui se résume à des roches massives vertes emballées dans des roches grises très schistosées et des bancs plus épais, les marbres dans les métapélites. Dans le paysage on distingue des métagabbros très en relief, des métabasaltes ainsi que de la serpentinite très brillante. On trouve la trilogie mais ces roches ne sont plus dans leur position originelle, elles sont démembrées dans un ensemble de métasédiments, les reliefs "plus doux" correspondent à la métapélite.
Remarque: le Chenaillet est une anomalie dans le système Alpin avec l'ensemble du plancher océanique car la trilogie se présente dans le paysage dans l'ordre.
( Pour la version pdf vous pouvez retrouver le son en suivant ce lien)
Les roches vertes (péridotite, métagabbro et métabasalte) sont des objets finis de forme allongée entourées de métapélites.
Il y a des alternances lithologiques qui peuvent être des marbres (carbonates) ou des quartzites (métasédiments siliceux qui sont en fait des métaradiolarites). L'ensemble marbre+métapélite+métaradiolarite forme une trilogie océanique: les schistes lustrés de la zone Piémontaise.
L’alternance lithologique n’est pas S0, elle est Sud. En aucun cas on ne peut prendre la mesure des structures et en déduire l’épaisseur. C’est la transposition tectonique. Ce que l’on observe n’est en aucun cas la géométrie initiale du système sédimentaire. Marcel Lemoine a essayé de reconstituer les paléoenvironnements en 35 ans de travail.
La mine de Saint Véran se trouve à l'interface entre une lentille verte constituée de serpentinite et des métasédiments.
Les hypothèses explicatives de cette disposition des roches vertes présentées par deux écoles de pensée:
première hypothèse proposée par les stratigraphes surtout, la disposition des roches vertes est due à une zone d'accrétion dans une dorsale lente. Le signal tectonique domine sur le signal magmatique. L'activité tectonique serait très importante avec de nombreuses failles normales, l'activité magmatique serait de moindre importance. Il y a peu de gabbros et de basaltes cristallisés et du manteau qui profite des failles normales et peut déjà être exhumé à la surface comme dans les systèmes de dorsale lente. Il y a un hydrothermalisme important et une bréchification, des blocs extrêmement fracturés. Le fond océanique est serpentinisé avec des poches de basaltes et de gabbros, l'ensemble étant très fracturé et emballé dans des sédiments formant une matrice , cette association s'appelle des ophicalcites (nom donné par Marcel Lemoine). Cet ensemble entre alors en subduction. Dans ce cas, le manteau appartient à la lithosphère océanique.
Deuxième hypothèse, la disposition des roches vertes se fait dans une zone de subduction: la subduction est couplée, le cisaillement est fort à l’interface mécanique entre l’objet sous charrié et l’objet de la marge chevauchante. La lithosphère océanique se fragmente, elle sera alors emballée dans du manteau et dans des sédiments de la plaque supérieure ou de l'avant arc. Dans ce cas, le manteau est celui de la plaque chevauchante.
Dans le cas de Saint Véran, les deux hypothèses sont vraisemblables. Il faudrait déterminer si le manteau est océanique ou s'il appartient à la transition océan-continent.
( Pour la version pdf vous pouvez retrouver le son en suivant ce lien)
Le terme de marbre est un terme de carrier. (Pierre ornementale utilisée alors que le terme Marbre est en pétrographie un méta-calcaire, un marbre cipolin).
La serpentinite est une péridotite qui se bréchifie, elle est très hydratée pratiquement 100%, extrêmement évoluée et il n'y a plus d'olivine. Plus la zone est claire, plus elle est hydratée. En plus de la serpentine, on trouve un minéral très hydraté, l'amiante. L'hydratation peut être liée au système océanique ou bien à hydratation du manteau de la plaque chevauchante dans la zone de subduction. Pour choisir entre les deux hypothèses (est elle Jurassique ou Éocène ?), il faudrait dater ces serpentinites mais cela n'a jamais été fait.
( Pour la version pdf vous pouvez retrouver le son en suivant ce lien)
Le magmatisme passe par la déshydratation des roches. Les fluides libérés ne peuvent pas provenir d’un basalte qui plonge, d’un gabbro qui plonge, d’une péridotite qui plonge. Il faut une évolution océanique (dans l’océan il n’y a pas de basalte, gabbro, péridotite, mais des méta basaltes des méta gabbros des serpentinites, qui eux peuvent libérer des fluides). Cette évolution est possible grâce à l’hydrothermalisme (les fumeurs noirs ou à l'hydratation de la lithosphère océanique).
La zone de subduction est toujours associée à la présence d'un magmatisme calcoalcalin. La présence d'Andésite peut cependant être due aussi à l'effondrement gravitaire. On trouve des traces de produits magmatiques dans les bassins flexuraux, les édifices volcaniques ont disparu mais les roches existent.
En arrivant à la mine, on trouve du métabasalte très riche en glaucophane donc formé dans le faciès schistes bleus appelé glaucophanite.
La mine se situe à l'interface métasédiment/serpentinite. Le cuivre est sous l'état natif (l’élément Cu) dans la serpentinite vert et aussi sous forme Cu5FeS4 (de couleur mauve) appelé bornite dans les métasédiments. La minéralisation se réalise aussi bien dans la péridotite que dans l’encaissement sédimentaire. Les niveaux les plus minéralisés sont controlés par la géométrie du système, ce sont des niveaux aplatis étirés dans la schistosité principale. La minéralisation suit l'architecture du système et c'est un élément important pour la prospection. Le refroidissement des fluides hydrothermaux sulfurés a conduit à la précipitation de la bornite.
La dernière thèse effectuée sur cette mine aboutit à l’idée que la minéralisation se situe à l’interface. Mais aujourd’hui l’interface n’est pas sédimentaire mais tectonique. Le plan que l’on voit n’est pas un plan stratigraphique mais un plan de foliation. Tous les objets se positionnent dans le plan principal de cisaillement et deviennent parallèles au plan de schistosité, on ne sait rien de la géométrie initiale. Le cisaillement lié à la subduction est important, tous les objets se positionnent dans le plan de shistosité (changement de forme accommode les contraintes opposées). Il faudrait faire un calcul de l’ellipsoïde de déformation du gradient de déformation pour envisager la géométrie initiale, ce qui n’a jamais été fait. La géométrie actuelle n'est en aucun cas la géométrie de la minéralisation initiale mais c'est un élément important en terme de prospection
La concentration en Cu peut être liée aux trois étapes de l'histoire de la chaîne de montagne:
l'histoire océanique : accrétion océanique, hydrothermalisme.
l'histoire de la subduction
L'exhumation c'est à dire le retour à la surface en régime cisaillant ce qui peut disperser la ressource.
Dans le cas de Saint Véran, au moins deux contextes se superposent peut être trois.
La mine est fermée depuis 1957, les extractions ont été importantes, entre 1905 et 1957 environ 1000 T de cuivre métal ont été extraits ainsi qu'au néolithique. Il y a environ 200 gisements de cuivre en France, 22 ont eu une production significative dont la mine de Saint Véran.
( Pour la version pdf vous pouvez retrouver le son en suivant ce lien)
Nous avons ensuite consacré toute notre énergie à la recherche de roches contenant du Cu non oxydé ou oxydé.