Chapitre 4. Placer l'élève en position d'enquêteur | ||
---|---|---|
Précédent | Suivant |
Quand je dis « enquête », je pense cluedo, jeu, roman policier… Dans une enquête, j’ai du suspens, j’ai des interrogations et j’ai un intérêt. Nous, les professeurs, nous voyons immédiatement cette magie de la littérature : des grandes quêtes du Graal à celle du temps perdu en passant par celles de Sherlock Homes jusqu’à la terre du Milieu, nous savons que l’enquête est au cœur de la littérature. Nous savons que l’enquête est au cœur de la critique et de la recherche littéraires, comme Pierre Bayard nous le démontre dans ses enquêtes critiques. Cependant, pour nos élèves, cette dimension ludique est cachée, dissimulée derrière des éléments fastidieux : la grammaire n’est pas vue comme un jeu de la langue mais comme une torture lancinante ; les figures de style ne sont pas vues comme des effets magiques mais comme des pièges sadiques inventés par des écrivains imaginant des élèves planchant sur leur chiasme complexe ; le commentaire composé n’est qu’un exercice rigoureux et fastidieux et non une enquête pour éclaircir le texte… Je suis partie de ces réflexions jetées ici rapidement l’année dernière avec une classe très difficile et peu encline au travail. Depuis, je ne suis qu’émerveillée face aux possibilités de cette méthode. Il ne s’agit pas de démagogie mais d’éveiller par une simple astuce de présentation leur intérêt.
Table des matières
Copyright : 2014 Claire Augé Cette illustration est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International. Avant les romantiques |
Copyright : 2014 Claire Augé Cette illustration est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International. Après les romantiques |
Il s’agit ici de la première enquête que j’ai inventée. Mon objectif pédagogique était simple : en une séance d’une heure, je souhaitais faire un cours sur le sonnet. Il s’agissait donc d’un cours très théorique et technique…dans l’objectif de les laisser, ensuite, écrire un sonnet.
Pour cela, je suis partie d’une énigme – c’est-à-dire d’une vraie question que les professeurs et les élèves se posent : pourquoi le Sonnet boiteux de Verlaine est-il boiteux ? On comprend bien que pour comprendre en quoi le sonnet boite, il faut comprendre ce qu’est un sonnet…l’objectif du cours est donc atteint par cette question. Sur la fiche distribuée aux élèves, vous pouvez remarquer que cette problématique se trouve en haut en gras et que la réponse est à écrire dans un encart en bas à droite. Entre ces deux parties se trouve une série de loupes indiquant les différentes étapes de l’enquête pour les guider. Je les invite à regarder la forme des poèmes proposés (Du Bellay, Labé et Ronsard) et à induire des réflexions, des définitions…On notera que mes sonnets classiques ne sont pas identiques afin de souligner tout de suite les subtilités de la forme poétique au XVIème siècle qui seront clarifiés ensuite. …
Les élèves travaillent par équipe. J’ai choisi délibérément ce terme car il nous inscrit là encore dans le domaine du jeu et sous-entend une solidarité du binôme. Le temps imparti aux élèves pour cette enquête est donnée en début de séance (ici 45 minutes)… Le professeur passe de table en table en permanence, aide les équipes, les relance sur une autre piste, les aiguille et les dirige. Ce travail n’est absolument pas de tout repos mais est très intéressant : il permet d’individualiser tout de suite les élèves.
Et comme pour tout jeu se pose la question de la récompense et donc la fastidieuse question de l’évaluation. La première équipe à résoudre l’enquête a un 10/10, la deuxième un 9/10, la troisième un 8/10 et toute équipe qui trouve ensuite dans le temps imparti a un 7/10. Je tiens à ces notes bonus et les défends pour plusieurs raisons. Tout d’abord, elles ont un intérêt fondamental : elles suscitent l’envie de travailler, de la récompense. Est-ce démagogique ? Il ne s’agit pas non plus de « notes au rabais » pour monter la moyenne puisqu’il s’agit de vrais exercices scolaires. Ces notes permettent également de sortir du cadre de la fameuse « note sanction », il s’agit là de notes d’apprentissage valorisantes. J’ai pu remarquer dans mes classes que tout le monde se prête au jeu et quand le professeur annonce que le temps est écoulé, les élèves râlent…Ils se sont battus jusqu’au bout ! Néanmoins, cela fait partie du jeu et on gagnera la fois suivante