HPV ET CANCÉRISATION | ||
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Le processus de tumorigénese chez les humains est un processus en plusieurs étapes. Ces étapes sont le reflet de modifications génétiques qui conduisent à la transformation progressive de cellules humaines normales en cellules malignes. Ces modifications peuvent être regroupées en sept altérations essentielles de la physiologie cellulaire [the Hallmarks of Cancer, Cell 2000].
Les cellules « normales » nécessitent des signaux de croissance pour pouvoir entrer dans un état de prolifération active. De nombreux oncogènes impliqués dans le processus de tumorigénese agissent en mimant ces signaux de croissance.
Dans un organe ou tissu normal, de nombreux signaux antiprolifératifs opèrent pour maintenir une quiescence cellulaire et une homéostasie tissulaire, ces signaux incluent à la fois des inhibiteurs solubles de croissance et des inhibiteurs liés à la matrice extracellulaire. Ces signaux inhibiteurs de croissance sont réceptionnés par des récepteurs membranaires et couplés à des voies de signalisation intracellulaire. Ces voies de signalisation sont associées à l’horloge du cycle cellulaire et plus particulièrement aux molécules gouvernant la progression durant la phase G1 du cycle telles que la protéine du rétinoblastome pRb. On retrouvera donc dans de nombreuses tumeurs humaines une altération de la voie de signalisation impliquant cette protéine et celles qui lui sont associées.
La capacité de populations de cellules tumorales à croitre en nombre dépend non seulement de leur taux de prolifération mais aussi de leur taux de mortalité. La mort cellulaire programmée ou apoptose représente une part importante de ce taux de mortalité. Cette mort cellulaire résulte de la mise en place d’un véritable programme de destruction sélective des structures cellulaires, des organites et du génome. La résistance à l’apoptose peut être acquise par les cellules cancéreuses à travers de nombreuses stratégies, mais la plus courante toutefois implique le gène suppresseur de tumeur p53, véritable détecteur entre autre des dommages liés à l’ADN, qui peut activer la machinerie apoptotique. L’inactivation fonctionnelle de la protéine p53 est en effet observée dans plus de 50% des cancers humains.
Les cellules en culture possèdent un potentiel de réplication limité, une fois que ces cellules ont réalisé un certain nombre de divisions, elles cessent de proliférer selon un processus nommé sénescence. Inversement, la plupart des cellules tumorales en culture apparaissent immortelles suggérant que l’acquisition d’un potentiel réplicatif illimité est une des caractéristiques à acquérir pour une cellule en progression tumorale. Le potentiel réplicatif d’une cellule est lié à l’extrémité de ces chromosomes : les télomères qui sont composés de milliers de courtes séquences de 6 paires de bases répétées. A Chaque cycle cellulaire, 50 à 100 paires de bases sont perdues à l’extrémité de chaque chromosome. L’érosion progressive des télomères conduit à la perte de protection de l’extrémité des chromosomes, à la fusion des chromosomes, puis inévitablement à la mort des cellules concernées. Le nombre de cycles cellulaires pouvant être effectués par une cellule est donc limité par la longueur des télomères. En réponse à cette perte progressive, un mécanisme spécifique permet de rallonger les télomères. C’est l’activité de la télomérase, ribonucléoprotéine (assemblage d'ARN et de protéines) qui catalyse l'addition d'une séquence répétée spécifique à l'extrémité des chromosomes.
Chez l’Homme, la télomérase est active dans les tissus de la lignée germinale, mais pas dans les tissus somatiques. Par contre, elle est réactivée dans la majorité des cancers. Cette réactivation est nécessaire à la mise en place de l’immortalité dans ces cellules, et donc favorise la progression tumorale.
Le dioxygène et les nutriments apportés par la vascularisation sont cruciaux pour la survie cellulaire et obligent virtuellement toute cellule à se situer dans les 100 micromètres autour d’un capillaire sanguin. Pour progresser en taille et se développer, les cellules tumorales doivent développer une capacité à stimuler la croissance des vaisseaux sanguins (angiogenèse).
Tôt ou tard au cours du développement de la plupart des cancers, certaines cellules se détachent de la masse tumorale et migrent dans l’organisme. Cette capacité permet aux cellules tumorales de coloniser un nouveau territoire de l’organisme où, au moins au début, les ressources nutritives et l’espace ne sont pas limitants.
Plusieurs arguments expérimentaux et cliniques indiquent clairement que les tumeurs sont potentiellement immunogènes. En effet, l’instabilité génétique des cellules tumorales se traduit par l’accumulation de mutations, de translocations et de délétions provoquant l’expression d’antigènes normalement réprimés et produisant de nouveaux peptides antigéniques. Par ailleurs, l’instabilité de ces cellules induit la surexpression de certains gènes dépassant ainsi le seuil d’alerte du système immunitaire.
De nombreux travaux ont mis en évidence différents mécanismes moléculaires permettant à la tumeur d’échapper ou d’interférer avec la réponse immunitaire antitumorale. Ces mécanismes d’échappement peuvent être classés en plusieurs catégories, selon qu’ils sont inhérents aux cellules cancéreuses, au micro-environnement tumoral ou aux effecteurs du système immunitaire :
Mécanismes inhérents aux cellules tumorales : des altérations de l’apprêtement et/ou de la présentation des peptides antigéniques par les cellules tumorales, permettent à ces cellules d’échapper à la lyse spécifique par les effecteurs cytotoxiques (LT CD8).
Micro-environnement tumoral : les cellules tumorales se caractérisent par une capacité à moduler les réponses inflammatoires et à s’adapter au micro-environnement dans lequel elles évoluent et qu’elles façonnent de manière à ce qu’il leur soit favorable.