Les surfaces d'échange, des structures adaptées à leurs fonctions | ||
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Les échanges de matière entre l'organisme et le milieu relèvent de deux catégories. Les échanges passifs sont effectués selon les gradients de pression partielle ou de concentration, molaire ou osmotique, voire électrique, sans dépense d'énergie. Les échanges actifs sont réalisés contre les gradients de concentration et/ou électrique avec dépense d'énergie. Parmi les échanges passifs figurent la diffusion simple, transfert direct à travers les structures cellulaires, et la diffusion facilitée faisant intervenir des transporteurs et en conséquence saturable. Les échanges actifs impliquent de manière générale des transporteurs. Les échanges de chaleur sont pour leur part passifs et réalisés selon le gradient thermique.
La première loi de Fick décrit la diffusion d'une substance entre deux compartiments. Son expression est
Jx = Dx x ΔCx x S / E
avec
Jx, flux de diffusion de la substance en mol.s-1 ;
Dx, coefficient de diffusion en mol.s-1.m-1 ;
ΔCx, différence de concentration entre milieu extérieur et milieu intérieur en mol.m-3 ;
S, aire de la surface d'échange en m ;2
E, épaisseur de la surface d'échange en m.
Dans le cas de gaz, son expression devient :
Jx = Kx x ΔPx x S / E
avec
Jx, flux de diffusion du gaz en mol.s-1 ;
Kx, constante de diffusion du gaz en mol.s-1.m-1.Pa-1 ;
ΔPx, différence de pression partielle entre milieu extérieur et milieu intérieur en Pa.
Les flux sont proportionnels à la surface de l'échangeur et inversement proportionnels à son épaisseur. Lorsque les échanges sont passifs, ils sont aussi proportionnels au gradient de la substance échangée.
Dans ces perspectives, quelles sont les adaptations des échangeurs ?
Les surfaces d'échange entre l'animal et son milieu comportent toutes un épithélium de revêtement. Un tel tissu est formé de cellules jointives, reliées entre elles par des jonctions intercellulaires généralement étanches. En conséquence, les échanges sont réalisés à travers les cellules épithéliales qui peuvent les contrôler.
Les échangeurs des gaz respiratoires sont de manière générale caractérisés par une importante surface, développée dans un volume réduit. Ainsi les branchies des Téléostéens sont formées de lames branchiales nombreuses insérées sur les arcs branchiaux, portant de part et d'autre de multiples lamelles branchiales. De même les poumons des Mammifères comportent des voies aériennes très ramifiées, tubuleuses, dont le diamètre décroît progressivement, et dont l'extrémité débouche sur les alvéoles très nombreuses. La surface élevée des échangeurs est liée à la formation de multiples évaginations ou invaginations, replis cloisonnant le milieu extérieur.
Les échangeurs de substances d'origine alimentaire sont également caractérisés par une surface élevée dans un volume réduit. Chez les grands Mammifères au contact de la lumière, la sous-muqueuse intestinale forme des replis appelés valvules conniventes, supportant les villosités de la muqueuse. Les entérocytes possèdent pour leur part des microvillosités. Des replis aux échelles de l'organe, du tissu et de la cellule sont à l'origine de la surface élevée. De la même manière les tubes digestifs des Euarthropodes et des Eumollusques présentent de vastes échangeurs, en particulier en raison de la formation de multiples diverticules.
La surface des échangeurs dépend par ailleurs du nombre de structures qui les constituent. Ainsi, les glomérules des reins des Vertébrés sont formés de nombreux vaisseaux sanguins capillaires organisés en pelotons et sont eux-mêmes très nombreux. Dans l'espèce humaine, un glomérule est constitué de 25 mm de vaisseaux sanguins capillaires et un rein comporte un million de glomérules. De même le tégument est irrigué par un réseau capillaire très dense.
Quel que soit le type d'échange entre l'animal et le milieu, plus la surface de l'échangeur est élevée, plus le flux est important. L'augmentation de la surface de l'échangeur est liée à la formation de replis à différentes échelles ainsi qu'à la multiplication des structures impliquées dans les échanges. Cette augmentation concerne la face de l'échangeur au contact du milieu extérieur. Dans les organes excréteurs, les cellules épithéliales possèdent fréquemment des replis membranaires basaux, associés à des mitochondries. Ils contribuent à augmenter la surface de l'épithélium du côté du milieu intérieur.
Par ailleurs, les échangeurs sont très généralement constitués d'épithéliums simples, dont l'épaisseur est faible.
Dans les organes respiratoires, les épithéliums sont de type pavimenteux chez les Vertébrés. En conséquence, en milieu aérien la barrière alvéolo-capillaire traversée par les gaz respiratoires a une épaisseur de l'ordre du micromètre, et en milieu aquatique celle de l'échangeur branchial est d'environ 5 µm. Dans les organes excréteurs, de même l'épaisseur de la barrière de filtration est réduite.
Les épithéliums simples cubiques et prismatiques présents dans les échangeurs apparaissent comme un compromis entre une faible épaisseur globale de l'échangeur et le métabolisme élevé des épithéliocytes réalisant des échanges actifs ou facilités.
De même qu'une surface élevée favorise les échanges, une faible épaisseur les facilite, la distance à franchir par les substances étant réduite.
Les gradients de pressions partielles, de concentrations, électriques ou thermiques, sont les moteurs des échanges passifs. Les échanges réalisés conduisent à une réduction locale des gradients. Par exemple le passage du dioxygène du milieu extérieur au milieu intérieur tend à égaliser les pressions partielles de ce gaz de part et d'autre de l'échangeur.
Comment les gradients et en conséquence les échanges sont-ils maintenus ?
Le Lombric est une Annélide menant une vie fouisseuse. Dépourvu d'appareil respiratoire, le Lombric réalise ses échanges de gaz respiratoires à travers son tégument. Il est formé d'un épithélium simple prismatique, l'épiderme, surmonté d'une fine cuticule. Son épaisseur est de l'ordre de 40 µm, en relation avec sa fonction de revêtement corporel. De nombreux vaisseaux sanguins capillaires ramifiés sont présents sous la membrane basale de sorte que la distance de diffusion des gaz respirtoires est limitée à l'épaisseur de l'épithélium.
À l'instar du tégument du Lombric, les surfaces d'échange des animaux sont très généralement associées à l'appareil circulatoire. Des vaisseaux sanguins capillaires, des vaisseaux lymphatiques ou des espaces hémolymphatiques sont présents dans le tissu conjonctif sous-épithélial. Ils assurent la circulation du sang, de la lymphe ou de l'hémolymphe au niveau des échangeurs. Elle permet un renouvellement du milieu intérieur et un maintien des pressions partielles, des concentrations ou des potentiels dans le milieu intérieur sur la face interne de la surface d'échange. Ainsi, le dioxygène absorbé est pris en charge par le liquide circulant et évacué vers la profondeur de l'organisme par le liquide circulant alors que le dioxyde de carbone drainé de la profondeur est amené à l'échangeur. De même la chaleur des tissus profonds de l'organisme est transmise au tégument grâce à la circulation du milieu intérieur. Elle est alors transmise au milieu extérieur en contact avec la surface de l'organisme. Le liquide circulant refroidi retourne ensuite dans les tissus profonds, remplacé par du liquide provenant des tissus profonds et de température plus élevée.
La convection du milieu intérieur, renouvelant le liquide circulant au niveau de l'échangeur, contribue au maintien des gradients, moteurs des échanges.
Parallèlement, le milieu extérieur est renouvelé au contact de l'échangeur. Dans le cas des appareils respiratoires, la ventilation assure ce renouvellement. En milieu aquatique, elle se traduit par un courant d'eau unidirectionnel dû au fonctionnement de pompes, buccale et operculaire, chez les Téléostéens, aux battements d'expansions corporelles comme les scaphognathites des Euarthropodes ou encore aux battements de cils comme chez les Eumollusques. En milieu aérien, elle est à l'origine de mouvements d'air généralement bidirectionnels dus à des mouvements musculaires. De la même manière, le milieu extérieur est renouvelé au contact du tégument par conduction, le fluide réchauffé est remplacé par un fluide de température plus faible.
Ainsi la convection du milieu extérieur, renouvelant le fluide extérieur au niveau de l'échangeur, contribue également au maintien des gradients.
Le contenu de la lumière du tube digestif ou des tubules urinaires est lui aussi renouvelé. Cependant au niveau de ces échangeurs, les gradients de électrochimiques sont établis par des transporteurs actifs tels que la pompe Na+/K+ ATPase. Les épithéliocytes contiennent de nombreuses mitochondries qui produisent l'ATP nécessaire au fonctionnement des transporteurs. En conséquence les dimensions des cellules sont relativement importantes.
Une vaste surface de faible épaisseur est fragile d'un point de vue mécanique. Elle constitue aussi une structure favorable à la pénétration de corps étrangers.
Les surfaces d'échange sont de manière générale internalisées, c'est-à-dire séparées de l'enveloppe corporelle externe par les tissus profonds de l'organisme. Elles forment des cavités corporelles en continuité avec le milieu extérieur. Elles se trouvent ainsi protégées par les tissus profonds de l'organisme et les caractéristiques du milieu extérieur présent de leur lumière sont partiellement contrôlées. Chez les Mammifères, l'air pénétrant dans les alvéoles pulmonaires est par exemple réchauffé jusqu'à atteindre la température corporelle et saturé en vapeur d'eau.
Chez les Malacostracés, les branchies sont insérées sur les parois corporelles latérales et les appendices locomoteurs. De chaque côté du corps, une expansion latérale de la carapace, le branchiostégite, forme un toit et un volet latéral les protégeant, tout en délimitant une cavité branchiale. Il s'agit également d'une internalisation, qualifiée de secondaire.
Les épithéliums des surfaces d'échange comportent fréquemment des cellules sécrétrices, dispersées parmi les cellules de revêtement. Chez les Mammifères, ce sont par exemple les pneumocytes II des alvéoles pulmonaires et les cellules à mucus des villosités intestinales. Les pneumocytes II produisent le surfactant protégeant les alvéoles da l'affaissement, les cellules à mucus libèrent un liquide visquex protégeant l'épithélium de l'activité des enzymes digestives présentes dans la lumière de l'intestin. Des cellules spécialisées dans la sécrétion d'enzymes antibactériennes comme le lysozyme sont fréquentes dans les surfaces d'échange de nombreux groupes animaux. Ce sont par exemple les cellules de Paneth de l'intestin des Vertébrés.
Les surfaces d'échange sont également étroitement associées au système immunitaire, par l'intermédiaire d'un tissu lymphoïde spécifique, le tissu lymphoïde associé aux muqueuses (MALT).
Finalement, quels que soient la nature des échanges et le groupe animal considéré, les surfaces d'échange entre l'animal et son milieu impliquent des processus semblables et des adaptations comparables.
Les échanges entre l'animal et le milieu extérieur sont parfois néfastes, notamment lorsqu'ils sont spontanés. Ils engendrent alors des excès ou des déficits de substances. Comment l’organisme gère-t-il ces transferts spontanés ?